Interview William Higgons
J’ai eu l’immense honneur de rencontrer et d’interviewer le meilleur gérant français actions, à Paris. Sa performance est extraordinaire : plus de 3200% de fin 1993 à fin juin 2017, soit une performance annualisée de 15,9%, largement au-dessus de son indice de référence. Pourtant William Higgons est peu connu du grand public et sa SICAV Indépendance et Expansion ne fait pas la une des magazines financiers. Etonnant, comme le parcours de ce gérant farouchement indépendant qui applique avec constance une approche d’investissement value. Dans cette interview d’1h20 vous allez découvrir :
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- Le parcours de ce gérant exceptionnel, qui ne se prend pas au sérieux, en dépit de son statut
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- La philosophie d’investissement qu’il applique avec succès depuis 25 ans et que vous pouvez appliquer
- Les adaptations qui lui ont permis d’améliorer sa performance au cours du temps
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- Sa vision sur le marché actuel et pourquoi il reste investi.
Tanguy: Bonjour William Higgons et merci d’avoir accepté cette interview
William Higgons: Bonjour Tanguy
Tanguy: Avant de détailler votre approche d’investissement pouvez-vous nous dire quel a été votre parcours? Vous étiez déjà dans la finance ?
William Higgons: J’ai commencé en 1977 comme analyste financier chez Indosuez . Nous avions un gérant qui avait fait fortune en jouant sur l’or. Il est devenu responsable de la Gestion pour compte de tiers et il a fallu 10 ans pour se rendre compte qu’il avait eu de la chance…Travailler avec lui ne me tentait pas.
Tanguy: Un spéculateur en fait?
William Higgons: Oui en effet, mais à l’époque tout le monde jouait sur l’or. Je suis parti à l’INSEAD faire un MBA et j’ai rejoint Total. J’avais été analyste pétrolier et j’ai pu ainsi voir de l’intérieur une société que j’avais analysé. Ensuite j’ai suivi une carrière de banquier d’affaires jusqu’en 1992. A 39 ans j’ai réalisé que je n’étais pas très bon pour décrocher des mandats et qu’il fallait que je me reconvertisse. J’ai rencontré une chasseuse de têtes qui m’a dit « vous aimez bien évaluer les sociétés, faites de la bourse » et j’ai rejoint en septembre 1992 le fonds Indépendance et Expansion de Siparex, qui était attiré par mon profil car j’avais fait du Capital Développement. Par la suite j’ai réussi à les convaincre de me vendre la société de gestion, 49,9% en 2001 et le solde en 2007.
Tanguy: Parlons de votre philosophie d’investissement. Fait très rare, vous partagez votre méthode d’investissement avec ses sources sur votre site, en accès libre. Quelle est-elle ?
William Higgons: Je dis toujours la même chose depuis 1993 (rires) et fais partie des personnes qui pensent avoir le choix entre radoter et se contredire et qui préfèrent la première branche de l’alternative même s’il y a eu quelques adaptations. En 1992 je me considérais comme un assez bon analyste financier c’est-à-dire quelqu’un qui savait très bien évaluer les sociétés. Mais être analyste, c’est différent d’être gérant de portefeuille. J’ai donc cherché une théorie de gestion de portefeuille à appliquer. A l’époque j’étais modeste (rires) ! J’ai cherché à apprendre auprès de mes pairs et j’ai fait le tour des gérants en leur demandant quel était leur approche. Grosse surprise : les gérants que j’ai rencontrés faisaient n’importe quoi (rires) ! Ce que je veux dire par là, c’est que la plupart n’appliquaient pas de théorie d’investissement.
Tanguy: Justement quelle est la psychologie des gérants de fonds?
William Higgons: Si vous n’avez pas de théorie dès le départ vous ne pourrez pas savoir si elle marche (ou non). Léonard de Vinci avait raison d’écrire que sans théorie l’homme est condamné à répéter les mêmes erreurs. En tant que gérant, vous investirez sur des valeurs sous-évaluées et surévaluées qui monteront ou baisseront. Et si vous n’êtes pas statisticien dans l’âme, vous ne saurez si ce sont les valeurs chères ou les valeurs pas chères qui ont surperformé. A la fin vous ne savez plus pourquoi telle ou telle valeur devrait monter ou baisser et vous finissez pas vous dire que c’est une affaire de flair ou de chance. Je n’avais peut-être pas parlé aux meilleurs gérants de la place à l’époque.
Tanguy: Il existe pourtant de bons gérants français.
William Higgons: Oui mais à l’époque il n’y avait pas de classement, tous les gérants pouvaient affirmer être les meilleurs. Aujourd’hui c’est difficile à imaginer, Morningstar, Quantalys donnent les classements des fonds, Citywire des gérants. En 1992, il fallait faire son tableau excel pour comparer les performances des gérants sur trois ans et celles-ci étaient plus serrées qu’aujourd’hui, les gérants se battaient pour un pour cent de performance le 31 décembre
Tanguy: A l’époque le marché n’était pas aussi structuré?
William Higgons: Oui Il n’y avait que 50 fonds small cap à l’époque.
Tanguy: Revenons sur votre philosophie
William Higgons: Début 1993, je tombe sur l’article «Cheap and Cheerful» de l’Economist, qui expliquait que les valeurs avec faible prix sur cash-flow battaient le marché.
Tanguy: L’article explique que le value était meilleur que le growth et que dans le value, le faible prix sur cash flow était un critère capable de battre le marché.
William Higgons: Oui tout à fait. J’ai décidé que mon fonds serait spécialisé sur les faibles prix sur cash-flow et j’ai ajouté un deuxième critère qui était une rentabilité des fonds propres élevée. Parce que j’avais été formé en 1977 par un analyste qui m’avait enseigné que le bénéfice par action ne peut pas croître plus vite que le bénéfice mis en réserve sur fonds propres si le taux d’endettement et l’intensité capitalistique restent fixes et j’étais arrivé à la conclusion que les dirigeants avaient une zone de confort avec l’endettement et évitaient d’en sortir. Aujourd’hui avec le développement de la réglementation les barrières à l’entrée se sont renforcées et la rentabilité des capitaux engagés est probablement un bon indicateur de la rentabilité marginale.
Tanguy: Ce critère vous permet d’éviter les value trap en n’investissant pas sur des entreprises décotant sur leurs actifs mais n’ayant pas de rendement sur capital
William Higgons: Oui pratiquement tous les critères values sont corrélés. J’ai évolué avec l’âge et maintenant je pense qu’ils se valent tous à l’exception du rendement.
Tanguy: Y compris la décote sur actif net? Elle est un peu dangereuse celle-là.
William Higgons: D’après moi la décote sur actif net n’est pas directement opérationnelle. Il faut d’abord valoriser à zéro les actifs ne générant pas de retour sur investissement. Sinon vous investissez dans des entreprises qui présentent des décotes sur actif élevées mais qui ne gagnent pas d’argent, ce qui n’est pas efficace. Ensuite il faut retraiter les survaleurs (goodwills) une société n’est pas moins rentable parce qu’elle a été achetée trop chère.
Tanguy: Vous n’auriez pas investi sur Sears
William Higgons: Je n’investis que sur le marché français, ne connais pas les marchés étrangers et évite les sociétés en redressement que le marché français adore, il ne connaît pas de sociétés en perte, uniquement des sociétés en redressement bien valorisées. Moulinex a toujours été mieux valorisé que Seb, DMC que Deveaux . Avec un raisonnement spécieux qui est de croire qu’une entreprise en difficulté peut atteindre la rentabilité du leader de son marché ce qui suppose implicitement que les dirigeants de ce dernier sont endormis. Ensuite je ne crois pas du tout au rendement qui est un des plus mauvais critères value.
Tanguy: En revanche beaucoup d’investisseurs recherchent le rendement (les dividendes)
William Higgons: Je reconnais qu’une société qui n’offre pas 1% de rendement est rarement un bon investissement. Les vieux gérants le disaient en 1977 et j’avais du mal à l’accepter. Mais maintenant je suis un vieux gérant.
Tanguy: Vous dites cela parce que vous aimez les statistiques ? Quelles sont vos sources d’information ?
William Higgons: Je lis des études universitaires américaines, qui utilisent des statistiques. Il y a peu de publications en France. Les constantes statistiques aux USA proviennent de constantes psychologiques. Et je pense que ces constantes psychologiques se retrouvent en Europe.
Tanguy: C’est ce qui rend l’investissement passionnant. Malgré le caractère rationnel de l’investissement, les erreurs se répètent car il existe de grands biais psychologiques.
William Higgons: Il y a un très bon livre sur ce sujet « The little book of behavorial investing ». Par ailleurs un article de Fama démontre brillamment que la théorie moderne du portefeuille ne marche pas, alors qu’il y avait contribué. Dans cet article (méconnu peut-être à cause de son titre abscons –The Cross section of expected return-) il dit que si au lieu de regarder l’ensemble des betas pour voir s’ils prévoient la rentabilité future, on regarde le beta au sein de chaque quartile de capitalisation, on observe que les betas les plus élevés ne battent pas les betas les moins élevés. Si le beta le plus élevé bat en général le beta plus faible c’est en fait c’est parce que les petites valeurs battent les grandes valeurs.
Tanguy: Cette théorie est pourtant toujours enseignée, je l’ai apprise à l’ESSEC…
William Higgons: C’est bizarre en effet comme les gens s’obstinent à enseigner de la théorie moderne du portefeuille en l’absence de réfutation de l’article de Fama.
Tanguy: Warren Buffett écrivait pourquoi il pensait que les marchés n’étaient pas efficients.
William Higgons: Pour moi c’est clair, les gérants value battent le marché. Dans mon cas, j’ai un alpha de 5% par an et environ 2,5% de frais incluant environ 0.5% de commission de surperformance, je suis donc à 7,5 points de surperformance sur 25 ans. J’admets que j’ai de la chance, mais cela fait beaucoup de chance. J’ai également un portefeuille très concentré car je pense que statistiquement on ne peut pas battre l’indice sans portefeuille concentré. Récemment un fonds m’a battu pendant 3 ans avec un fonds quasiment équipondéré, chapeau. Pour ma part, j’ai eu souvent 13 valeurs qui pesaient pour 50% de la valeur du portefeuille.
Tanguy: C’est très concentré par rapport à la majorité des gérants
William Higgons: Ma vision du risque est particulière. Une valeur chère est risquée, une valeur pas chère est moins risquée. Sur une valeur pas chère et liquide, je peux investir 5% de l’actif.
Tanguy: Pas chère, c’est à dire 6 – 7x les cash flow?
William Higgons: En fait le monde a changé. Aujourd’hui tout est cher
Tanguy: ça me rappelle 1999
William Higgons: Tout est cher mais les taux d’intérêt sont aberrants. En temps normal, c’était 5 fois le cash-flow, le rêve c’était 3 fois. Aujourd’hui le prix sur cash flow du marché est de 12,6 et le PER du marché est supérieur à 20, mais les taux sont à 1%
Tanguy: Du point de vue psychologique d’ailleurs de plus en plus de gens investissent en bourse autour de moi.
William Higgons: Ce qui est rationnel car les gens n’ont pas le choix. Soit vous n’investissez pas, ce que je fais pour une partie de mes fonds personnels, en attendant une hausse des taux d’intérêt et un krach immobilier. Soit vous ne croyez pas à cette hausse et entre des obligations d’Etat à 1% et des actions à 2% de rendement, il n’y a pas photo. Si vous n’achetez pas d’actions c’est que vous pensez que les taux vont monter à 3% assez rapidement
Tanguy: Dans ce contexte, quelle est votre stratégie?
William Higgons: Il y a trois facteurs: faible prix sur cash flow, rentabilité des fonds propres élevée, marge d’exploitation supérieure à 5%. A ces critères j’ajoute le momentum critère qui s’est imposé progressivement au début simplement parce qu’il permettait d’éviter de vendre ses titres avant les OPA. La justification de ce critère s’est ensuite enrichie. Il ne faut pas croire qu’il n’y a que des gérants professionnels qui investissent en bourse. Pour prendre un exemple, je suis actionnaire d’une entreprise informatique dont le dirigeant est investi dans les actions d’un de ses concurrents. S’il perd de l’argent en bourse, c’est à désespérer. J’ai aussi l’exemple de 3M qui vendait tous les plastiques réfléchissants pour les panneaux de signalisation. La personne chez 3M en charge de ces produits connaissait donc toutes les parts de marché de ses clients et pouvait spéculer en bourse. J’ai également appris qu’une entreprise qui vendait des machines pour plier des cartons près de Dijon avait un fort actionnariat tout autour de l’usine et si l’activité baissait …
Tanguy: Ils pouvaient compter les camions à la sortie de l’usine…
William Higgons: Exactement. Ce qui légitime l’approche momentum. Comme gérant, nous avons une information relativement lointaine et beaucoup de gens ont une meilleure information et interviennent en bourse. Si un cours baissait de 20% sans raison, ils achèteraient.
Tanguy: Certains gestionnaires ne sont que fondamentaux alors que vous vous regardez les variations des cours.
William Higgons: En fait je n’achète pas de titre en forte baisse par rapport à son indice de référence sans publication ensuite s’il y a une publication qui justifie la baisse je peux intervenir, dernièrement cela été le cas d’Eutelsat. Sans publication, ce n’est pas la peine d’y aller, on se plante. Je ne crois pas à une forte variation sans une bonne raison. Et encore avec l’âge je me méfie de plus en plus car il peut y avoir une mauvaise raison qui en cache une bonne.
Tanguy: Et à la hausse également, les gérants values vendent trop tôt parfois. J’ai un exemple sur Plastivaloire dont l’analyste qui me l’avait recommandé l’avait vendu trop tôt, le cours lui paraissant élevé.
William Higgons: Je sais je l’ai fait aussi, partiellement en dépit de mes règles. J’estime qu’il y a un biais de vente «trop tôt». Car le gérant qui a gagné de l’argent sur une société et vendu trop tôt une valeur ne se fait pas attaquer par ses souscripteurs. Si vous achetez à 100, que vous vendez à 200 et que la valeur monte à 300, personne ne vous demande des comptes. Mais je considère que dans ce cas j’ai perdu 100. En outre il y a des adages qui permettent de se consoler facilement de ce type d’erreur : J’ai fait fortune en vendant trop tôt, les arbres ne montent jamais jusqu’au ciel. La réalité est que la bourse c’est facile on ne peut perdre que 100% sur une valeur alors que le potentiel de gain est illimité.
Tanguy: Oui d’autant que le gain entre 200 et 300 est le plus facile.
William Higgons: Ma règle est de ne pas vendre les titres surévalués tant qu’ils montent. Je peux alléger. Mais je préfère faire le top du marché et un peu de baisse plutôt que de manquer le sommet. D’autant plus qu’un titre peut sembler surévalué parce que ses marges sont meilleures que prévu ce qui a été le cas de Plastivaloire.
Tanguy: C’est souvent le plus parabolique
William Higgons: Souvent vous achetez un titre parce qu’il est value. Et si vous avez de la chance, il devient growth. A un moment les valeurs value qui ont connu quelques années de croissance changent de statut. Tous les gérants growth la découvrent et ce ne sont pas des maniaques de la valorisation. Dans un portefeuille value, il y aura souvent une valeur value qui va devenir growth ce qui peut faire augmenter fortement sa valeur.
Tanguy: Un biais classique chez les value.
William Higgons: Le risque des value c’est en effet de se retrouver avec un portefeuille growth s’ils ne vendent pas les valeurs qui ont monté. Il faut garder une discipline ; ce que je fais tous les mois en publiant la décote du prix sur cash flow de mon portefeuille par rapport au marché. Je vise une décote de 25% en prix sur cash-flow par rapport au marché, le prospectus m’engage à respecter 15%.
Tanguy: Comment avez vous géré la situation en 2000?
William Higgons: En 2000 les valeurs non internet comme St Gobain avaient un PER de 7 et les valeurs internet comme France Telecom de 40. En 2003, après le krach, tout le monde s’est retrouvé à 8x. Il n’y a eu aucun de problème en 2000. Si vous n’étiez pas sur internet vous pouviez faire des affaires. C’était une année pas compliquée pour les value
Tanguy: A condition d’être value.
William Higgons: La réalité c’est que presque personne n’était value. Je me rappelle très bien parce que moi j’étais value et mes actionnaires le savaient. Mais début 2000 ils supportaient très mal d’être investis dans un fonds ne détenant pas de valeur internet mais ce biais a permis à Indépendance et Expansion de battre l’indice SBF Second Marché de 50% de 2000 à 2003. Mais les indices sont trompeurs parce qu’à l’époque il y avait le Nouveau Marché et les gérants SMALLCAP considéraient que le Nouveau Marché faisait partie de leur univers, j’ai même réussi à démontrer que plus de 60% des gérants SMALLCAP étaient plutôt Nouveau Marché.
Tanguy: Il y a eu des valeurs qui se sont complètement effondrées.
William Higgons: Ce qui est surprenant c’est que cela recommence toujours.
Tanguy: Oui c’est cyclique.
William Higgons: J’aime bien le livre «What works on Wall Street». Les valeurs électroniques des années 60 ressemblent aux valeurs internet de 1999/2000 et aux biotechs d’aujourd’hui. C’est logique, il y a des toujours des gens qui veulent faire fortune rapidement, et pour ce faire ils prennent des risques. Normalement ils perdent, mais avec de la chance, ils gagnent.
Tanguy: Oui mais avec peu de chances de gagner.
William Higgons: Il y a des gens qui jouent à la roulette plutôt que de jouer en bourse, une partie des investisseurs en bourse sont prêt à tout pour multiplier par dix leur capital même éventuellement tout perdre. «What works on Wall Street» rappelle les constantes, mais celles-ci peuvent disparaître. Par exemple le fait que les titres qui ont surperformé pendant trois ans sous-performent, depuis 2012 ce phénomène n’est pas observé en France. Globalement, le portefeuille vit très bien avec des titres qui surperforment depuis 2012 ma vitesse de rotation est assez faible, en moyenne ma durée de détention est proche de 4 ans.
Tanguy: Les marchés ont monté et le Warren Buffett ratio (capitalisation boursière / PIB US) est de 130% soit le même niveau un an avant le krach de mars 2000. Sommes-nous dans un début d’euphorie?
William Higgons: Non je ne pense pas que les marchés soient euphoriques cette valorisation est rationnelle avec des taux d’intérêt inférieurs à 1%.
Tanguy: C’est l’effet de gravité des taux dont parlait Warren Buffett?
William Higgons: Oui la seule question c’est jusqu’à quand les taux vont rester à ce niveau. Le marché n’est euphorique que si vous pensez que les taux vont monter. Ce qui est le plus gênant aujourd’hui c’est que je n’ai pas de précédent historique. Des Etats, pourtant fortement endettés, empruntent pour la première fois à 0%… Je n’ai pas de précédent donc je suis perdu.
Tanguy: Personne d’ailleurs ne peut savoir les conséquences de cette situation inédite dans l’histoire
William Higgons: Si les rois de France avaient pu emprunter à 0% …
Tanguy: A l’époque on mettait les créanciers en prison, les romains eux rognaient les pièces d’or.
William Higgons: Oui on avait tout essayé (rires) sauf le quantitative easing
Tanguy: Revenons sur votre méthode, est-elle essentiellement quantitative?
William Higgons: Oui au début c’est une analyse financière très mathématique puis il y a une analyse du momentum.
Tanguy: Ce qui baisse continue à baisser, ce qui monte continue à monter…
William Higgons: Jusqu’à un certain point par exemple aujourd’hui les valeurs informatiques commencent un peu à marquer le pas.
Tanguy: Quels autres critères vous différencient ?
William Higgons: Je m’efforce d’assister à toutes les réunions de présentation pour les investisseurs des sociétés qui m’intéressent.
J’ai un taux d’actualisation très bas. C’est très important. Jusqu’à très récemment les brokers utilisaient des taux de 10%, ce qui était aberrant parce que si la croissance du PIB est de 1,5%, il n’y a pas une valeur qui supporte un taux de 10%, sauf à miser sur une biotech avec des hypothèses optimistes. Depuis 1985 les actions n’ont jamais battu les obligations de plus de 50% sur cinq ans. Mon taux d’actualisation est le taux à dix ans multiplié par 1,5. L’année dernière au mois de juin, je n’actualisais plus et cela m’a permis de comprendre pourquoi les marchés montaient. Là j’ai un peu changé car aujourd’hui je devrais être à 1.35 et là je suis à 2. J’ai trouvé que c’était aberrant d’actualiser avec un taux inférieur au rendement du marché. Le problème c’est que si vous avez un taux élevé, vous trichez sur les perspectives de croissance, et vous évitez toutes les valeurs qui sont sous-évaluées mais auront une croissance tranquille du genre 3%.
Tanguy: Cela pénalise les valeurs de faible croissance.
William Higgons: Si vous êtes value et que vous avez un taux élevé, vous êtes en fait un growth qui ne s’assume pas.
Tanguy: Vous faites des modèles de valorisation?
William Higgons: Oui, je fais des modèles de valorisation car nous, gérants, sommes des gens inquiets et si notre modèle nous donne raison cela nous rassure même si les informaticiens nous ont mis en garde avec « garbage in garbage out ». L’une des caractéristiques de ma gestion est que je n’ai pas d’objectif de cours mais je cède le ou les titres les plus chers du portefeuille.
Tanguy: Le plus cher en valeur par rapport au cash-flow?
William Higgons: Selon un ensemble de critères. J’ai une valeur cible qui est la moyenne de 4 valeurs, free cash-flow actualisé, dividende actualisé, 1,5x les fonds propres et un modèle de price earning classique. Vous faites la moyenne de tout ça. Ou prenez uniquement le prix sur cash-flow. Globalement vous avez toujours trois sociétés qui sont les plus chères sur l’ensemble des critères et vous tapez dans une des trois ou les trois selon votre humeur.
Mais ce n’est pas la peine d’avoir un objectif de vente sur la valeur quand vous achetez, parce qu’il se peut que le marché ait pris 100% et la valeur qui a progressé de 50% n’est pas chère par rapport au marché. Pour moi il faut toujours être investi.
Tanguy: Comme Peter Lynch. Est-ce que vous avez eu des mentors, des investisseurs qui ont vous ont inspiré?
William Higgons: Celui qui est toujours cité et je n’arrive pas à comprendre pourquoi c’est Warren Buffet.
Tanguy: Pourquoi?
William Higgons: J’attends un livre analysant les stratégies d’investissement de Buffett et donnant les critères quantitatifs qu’il utilise. On dit qu’il est value mais il acheté Coca Cola qui n’était pas value. D’après moi, il n’est pas value, c’est un spécialiste de l’assurance qui est un marché spécial mal analysé, c’était son core business pendant très longtemps.
Tanguy: Oui il a investi dans l’assurance.
William Higgons: L’assurance n’est pas particulièrement value. Il a aussi investi dans des banques dont les comptes sont incompréhensibles. Après il a fait du Coca-cola qui est une valeur growth, et il a investi dans les chemins de fer, je reconnais que c’était du value. Mais compte-tenu du nombre de personnes qui analysent ce qu’il fait, je suis étonné que personne n’ait été capable de sortir dans une revue spécialisée une analyse des ratios de son portefeuille qui permette d’anticiper ses achats. Quand on regarde son portefeuille, il n’y a pas de ratio qui saute aux yeux.
Tanguy: C’est aussi parce que cela a beaucoup évolué dans le temps, parce qu’il avait plusieurs approches…
William Higgons: Pour moi c’est un stockpicker et les stockpickers sont des gens qui n’ont pas de critère déterminé à l’avance.
Tanguy: Il identifie des entreprises qui vont réussir à passer un cap en terme de croissance comme Coca-Cola à l’époque. Quelles sont les autres investisseurs qui font référence selon vous ?
William Higgons: Dans le value, il y a Benjamin Graham qui est LA référence. Je partage aussi la même approche que Franciso Garacia Paramès, l’ex-gérant du fonds espagnol Bestinver qui a écrit le livre «Investir à Long Terme». A part Vet Affaires que je ne détenais pas, les valeurs qu’il avait dans son portefeuille français étaient dans le mien. En France, il y a peu de vrai value.
Tanguy: En terme de formation à la gestion value, vous vous êtes formés par vous-même en lisant des articles et des livres. Comment peut-on se former à la gestion value?
William Higgons: A ma connaissance il n’existe pas de formation à la gestion de portefeuille value en France
Tanguy: Vous donnez des cours à la Société Française des Analystes Financiers (SFAF) sur le value.
William Higgons: Oui j’ai donné des cours sur la gestion value à la SFAF. J’ai également suivi un cours d’une heure sur la gestion value d’une université Canadienne spécialisée dans ce domaine et j’ai pu vérifier que mon approche n’était pas révolutionnaire.
Tanguy: En effet, il y a quelques gestionnaires canadiens value de haut niveau comme Francis Chou ou Barrage Capital avec des portefeuilles concentrés.
William Higgons: Une autre justification d’un portefeuille concentré, c’est le temps. En fait si vous n’êtes pas concentrés, vous n’avez pas le temps d’étudier les entreprises. Avec 40 sociétés et 220 jours ouvrés dans l’année, vous consacrez à peine plus de 5 jours par société par an et il vaut mieux avoir dans le portefeuille des sociétés que vous avez analysées plus de 20 jours, connaître très bien les sociétés du portefeuille est évidemment un atout.
Tanguy: Vous avez fermé les souscriptions le 6 Janvier 2017, pourquoi avoir fait ce choix ?
William Higgons: En fait, c’était assez horrible (rires). J’ai un fonds qui n’a jamais eu de souscriptions. Je suis passé de 20 millions en 1993 à 217 millions au plus haut en 2007 avec le même nombre d’actions. Après j’ai eu des sorties entre 2007 et 2011…
Tanguy: Lorsque votre performance était proche de celle du marché…
William Higgons: Ma pire année c’est 2009 pour plusieurs raisons.
D’abord, j’ai fait un choix qui s’est révélé catastrophique début 2009. Sachant que je ne suis pas censé avoir de sociétés en perte, je me suis demandé ce que j’allais faire avec ces sociétés. Je pouvais considérer que 2008 était extraordinaire et faire une exception ou appliquer mon système. J’ai finalement décidé de ne pas faire d’exception. Là où je me suis trompé, c’est que je pensais que le marché allait surcoter les entreprises qui avaient réussi à être bénéficiaires en 2008. Ce n’est pas du tout ce qui s’est passé. En fait, les gens raisonnables ont décidé soit de sortir de la bourse soit de ne pas augmenter leurs positions. Puis les spielers (spéculateurs) sont arrivés et ils ont joué les sociétés en perte que j’avais vendues.
Deuxième facteur aggravant avec la hausse de mon encours jusqu’en 2007, je n’avais pas fait de levée de fonds significative depuis 1998 et l’envie de sortir est liée à la durée moyenne de détention. Ne rien faire finit par être difficile. De plus les institutionnels ont décidé de diminuer la part des actions dans leur portefeuille.
Le troisième facteur c’est que toute la gestion SMALLCAP qui ne distinguait pas les smalls des mids avant 2008 a décidé que c’était trop risqué de faire des smalls avec des fonds à liquidité journalière et qu’il fallait se concentrer sur les mids. Les mids ont surperformé de 25% les smalls, ce qui m’a pénalisé dans les classements car j’étais small.
Tout cela fait que le nombre d’actions de la SICAV a baissé de plus de 50% entre 2009 et 2011.
Tanguy: Les souscripteurs sont partis au plus mauvais moment car ensuite votre performance a été exceptionnelle.
William Higgons: D’après moi, mon choix de 2009 s’est révélée positif après deux ans. En 2011, les gens ont découvert qu’il y avait pas de retour de la croissance. Ceux qui jouaient les cycliques se sont lassés. A partir de 2011, le marché a réalisé que le PIB français n’augmenterait que de 1 à 2% par an et que les valeurs qui avaient réussi à ne pas perdre d’argent en 2008 étaient finalement bien placées. Sans oublier le fait qu’en 2012, il y avait des aberrations de valorisations, Montupet valait 1x le cash-flow, MGI Coutier 2x le cash-flow.
Tanguy: MGI Coutier, c’est toujours l’une de vos positions
William Higgons: Oui. J’ai fait de très bons achats en 2012, qui se sont traduits par des performances exceptionnelles en 2013 (+66%) et de bonnes performances par la suite. Et bizarrement, parce que je n’en avais pas l’habitude, entre début 2016 et début 2017, les souscriptions sont arrivées et la taille du fonds a pratiquement doublé. En tenant compte d’une performance de +26% cela revient à + 74% de souscription nettes.
Tanguy: Il y a eu la rançon du succès parce que la performance était juste exceptionnelle.
William Higgons: Oui mais j’ai presque toujours eu de bonnes performances.
Tanguy: Et il y a une prime au leader. C’est évident dans le monde de l’internet où je travaille depuis 2009, il y a une grosse prime au leader c’est-à-dire que la différence entre numéro un ou deux est énorme.
William Higgons: Au début, j’avais du mal à trouver mon fonds sur Google. J’avais intérêt à bien rentrer independance-et-expansion.com. Maintenant il est bien référencé (même en tapant William Smallcap France cela marche).
Tanguy: Et aussi un marché plus porteur
William Higgons: Exact: il y avait de la souscription pour tous. En plus, il y a plus d’informations sur les fonds sur internet et les particuliers ont pu voir quels étaient les meilleurs fonds ou simplement découvrir que j’existais. Et troisième point, j’ai toujours aimé les particuliers bien que n’en ayant eu que peu jusqu’en 2015.
Tanguy: Vos clients étaient surtout des institutionnels?
William Higgons: Oui principalement des caisses de retraites. Jusqu’en 2015, quand un particulier souscrivait, je trouvais ça sympathique, cela me faisait plaisir et je ne prenais pas de droits de souscription. Puis j’ai découvert que des intermédiaires prélevaient des droits de souscription sans avoir d’accord de rétrocession. Cela m’a énervé et j’ai supprimé les droits de souscription ce qui m’a rendu moins cher par rapport aux autres fonds SMALLCAP. Donc l’absence de frais de souscription et la surperformance ont été les leviers de ma croissance.
La question qui s’est posée alors était de savoir si j’étais capable de surperformer l’indice alors que le fonds avait doublé de taille. Je n’étais pas trop inquiet jusqu’à 200 millions puisque j’avais déjà atteint ce montant en 2007. Au-delà, cela devient plus difficile. J’ai voulu donner la possibilité aux gens d’arrondir leur ligne mais je n’avais pas prévu que cela allait accélérer les souscriptions de façon ahurissante et je me suis trouvé à 260 millions début 2017 ce qui était suffisant et le fonds a été fermé à la souscription.
Tanguy: Surtout sur l’univers des petites valeurs, parce que si vous êtes sur le CAC 40…
William Higgons: Oui et je pense toujours que les grandes valeurs ne sont pas analysables. L’analyse financière peut être source de plus-value mais il faut s’attaquer à une société qui est analysable.
Le montant gérable dépend aussi de la conjoncture, c’est à dire que le jour où il y aura vraiment un krach je suis prêt à gérer à 400 millions. Aujourd’hui je pense que le marché est efficient. Il y a eu des souscriptions, il y a beaucoup de gérants qui cherchent des valeurs sous-évaluées, il est particulièrement difficile aujourd’hui de trouver des sources de surperformance. D’après moi le fonds est un produit qui applique une théorie intéressante et à ce jour il continue de surperformer en dépit de sa taille. J’en déduis que, globalement, notre approche est efficace.
Tanguy: Quel est votre plan? Attendre que le marché se dégonfle un peu?
William Higgons: Oui, j’ai fermé le fonds dès que j’ai eu des souscriptions ce qui est quelque peu aberrant. Je n’ai connu qu’une année de souscription nette significative en 25 ans. En revanche, je ne vais pas descendre en nombre d’actions sachant que les rachats représentent environ 10% des actions émises chaque année ce qui me conduit à rouvrir la souscription environ tous les six mois en limitant le nombre d’actions à émettre à 5% du capital. Même si pour un gérant qui a rarement eu des souscriptions nettes fermer la souscription est difficile.
Tanguy: Comme Moneta qui avait fermé le fond Micro Entreprises.
William Higgons: Puisque vous mentionnez Moneta j’en profite pour souligner que les deux meilleurs fonds Small caps français sur les 10 dernières années, Indépendance et Expansion et Moneta Micro Entreprises avaient un passif stable, toutes les études qui démontrent que la gestion active est inefficace démontrent simplement que la liquidité journalière a un coût : Il est impossible de battre le marché quand le montant des fonds gérés varie quotidiennement.
Tanguy: Avec le recul, il y a eu aussi de gérants qui ont fait ce choix-là dans le passé et souvent l’avenir leur donne raison.
William Higgons: En règle général, les gérants ouvrent un deuxième fond. Je suis un peu spécial…
Tanguy: Que vous conseilleriez à un investisseur? Vu qu’aujourd’hui il ne peut pas investir chez vous… Que pensez-vous de la grande mode de la gestion passive et des trackers?
William Higgons: En dépit d’avoir assisté à un très bon exposé sur les ETF à l’AMF, je ne sais pas ce que c’est. Je ne suis pas sûr qu’il y ait un engagement du sponsor pour que l’ETF ne s’écarte pas du sous-jacent et que les détenteurs de parts de l’ETF soient les propriétaires des titres sous-jacents.
Tanguy: Les sponsors s’efforcent que l’ETF ne s’écartent pas du sous-jacent et Vanguard publie la différence entre les deux.
William Higgons: Oui mais et s’ils n’y arrivent pas?
Tanguy: En effet, s’ils ne répliquent pas il n’y a pas de sanction.
William Higgons: On voit très bien que pour le moment cela marche très bien jusqu’au jour on découvrira qu’on n’a rien sauf une image du réel …
Tanguy: Sauf que les trackers à réplication physique achètent vraiment les actions du sous-jacent.
William Higgons: Si on a une réplication physique, tout va bien. Mais dans ce cas-là ça coûte cher. Si c’est synthétique, c’est relativement compliqué. Un algorithme est fonction du passé. On peut imaginer qu’il y a un algorithme qui marche lorsque les taux sont inférieurs à 1%. et que le jour où ils sont à 3% il ne fonctionne plus. Mais tant que ça marche, c’est très bien.
Personnellement je pense qu’il est dommage de ne pas essayer de battre l’indice. Il suffit d’investir dans des valeurs mal valorisées, non endettées ayant une bonne rentabilité on peut y arriver. Normalement on y arrive. (rires)
Tanguy: Oui sûrement avec le travail et la bonne formation je pense.
William Higgons: Je pense qu’une approche purement quantitative marche assez bien et qu’il faut rester simple. Le livre The little book of behavorial investing explique que si on donne à des parieurs sur les courses de chevaux de plus en plus de données, ils améliorent la qualité de leurs prévisions jusqu’à la septième. Au-delà, la qualité de la prévision ne s’améliore pas. En revanche les parieurs sont de plus en plus sûrs d’eux.
Il suffit donc d’acheter les titres qui ont une forte décote par rapport au prix sur cash-flow du marché, une bonne rentabilité des fonds propres, une marge d’exploitation supérieure à 5% et qui n’ont pas perdu 20% par rapport à l’indice depuis 12 mois. Après, une fois de temps en temps il y a une réflexion intelligente du genre si vous vendez des DVD de jeux sur PC, il y a des chances que votre marché disparaisse dans trois ans au profit du téléchargement et cela explique assez bien pourquoi la valorisation est faible. Mais c’est rare que vous ayez des éclairs de génie. La vérité est que si vous prenez une vingtaine de valeurs et testez la validité de votre théorie, il y aura des valeurs qui ne marcheront pas mais dans l’ensemble vous battrez l’indice.
Tanguy: Quelques valeurs vont surperformer très fort et la majorité va faire comme le marché…
William Higgons: C’est cela l’idée. En fait, pendant très longtemps, j’avais une valeur qui marchait très bien chaque année et ce qui suffisait pour battre l’indice. Régulièrement, des gens analysaient ma performance et concluaient qu’elle ne valait rien car une seule valeur générait la surperformance Cela me faisait rire parce que oui j’avais eu la chance d’avoir cette valeur-là. Mais statistiquement, il était rare que pendant une année aucune ligne ne surperforme nettement.
Tanguy: Nous arrivons à la fin de l’interview. Quelles sont les qualités pour être un bon investisseur selon vous?
William Higgons: Il faut être joueur. Un joueur c’est quelqu’un qui est prêt à perdre. Tout le monde peut gagner et la différence entre un joueur par rapport aux êtres normaux c’est quand il perd de l’argent cela lui fait moins de peine. Contrairement à ce que certains pensent, une fois qu’une valeur a baissé, vous avez perdu, même si vous n’avez pas vendu. Mais il ne faut pas que cela trouble votre jugement, ça c’est le premier point.
Tanguy: La partie psychologie c’est d’avoir de l’estomac, d’encaisser les pertes …
William Higgons: C’est avoir un certain détachement. Il y a une autre règle qu’il faut respecter c’est de vendre les titres sur lesquels on a perdu le plus.
Tanguy: Ce n’est pas une approche quantitative ; c’est la partie plus art que science.
William Higgons: Il y a une étude aux Etats-Unis qui a été faite sur 10,000 comptes d’un discount broker qui a montré que si les investisseurs avaient vendu le titre sur lequel ils avaient perdu plus d’argent ils auraient amélioré leur performance et que les titres qu’ils ont vendus ont surperformé. Une autre étude sur les gérants a montré qu’ils souffrent un peu moins du même biais.
Tanguy: C’est Peter Lynch qui disait “on a tendance à arroser les mauvaises herbes et à arracher les plus belles fleurs”. Alors qu’il faut faire l’inverse.
William Higgons: C’est cela. Ma chance c’est que voir dans mon portefeuille une valeur en perte m’est désagréable. La sortir du portefeuille équivaut à supprimer un facteur douloureux, j’ai donc toujours vendu ces titres assez facilement contrairement à ceux qui se disent « pas vendu, pas perdu».
Tanguy : Dans mon cas ça aurait été mieux pour la performance de mon portefeuille.
William Higgons: Il faut le faire au moins une ou deux fois par an. En se disant : quel est le titre sur lequel j’ai perdu le plus ou qui sous-performe le plus ? C’est assez rationnel cela revient à se dire que d’après mon raisonnement cela devrait monter donc mon raisonnement est mauvais. C’est un aveu d’impuissance, la reconnaissance que je ne suis pas capable d’analyser cette société que mes outils d’analyse ne marchent pas sur ce cas particulier. A cela s’ajoute un problème psychologique, cette valeur a un passé dans mon histoire de boursier je vais avoir des aspects non rationnels, émotifs à gérer donc il vaut mieux la lâcher complètement.
Tanguy: Comme la valeur apparaît toujours dans votre screener, vous décidez de ne plus y toucher pendant un certain temps?
William Higgons: Oui c’est une autre règle. J’évite de racheter un titre que j’ai vendu il y a moins de deux ans. Je me souviens que l’un de mes titres brillants entre 1993-2000 avait baissé de plus de 20% par la suite. J’en ai racheté et subi la baisse. J’avais l’impression de tout comprendre compte tenu de mon succès antérieur c’était une erreur.
Tanguy: Il faut rester modeste.
William Higgons: Toujours.
Tanguy: Ce sera le mot de la fin. Merci William.
William. Merci
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Bravo pour cette interview de grande qualité !!!
Bjr je ne comprends pas le commentaire selon lequel les ETFs à réplication physique seraient chers, car on en trouve de chez iShares ou Vanguard avec des TER de 0,07% en Europe, et aux US avec des frais encore plus faibles.
En effet, le développement des ETF permet aussi de trouver de bons trackers à réplication physique à faible coût. Le principal inconvénient selon moi reste la non éligibilité au PEA des trackers à réplication physique de valeurs non européennes
Je ne suis pas sûr de comprendre votre commentaire, car concernant ‘la non éligibilité au PEA des trackers à réplication physique de valeurs non européennes’, cela n’est pas un inconveniant des trackers uniquement, car les fonds actifs non européens ou les actions non européennes ne sont pas éligibles non plus. Si vous voulez dire que c’est un inconveniant par rapport aux trackers synthétiques, je suis d’accord et je pense personnellement que les trackers synthétiques ne sont pas plus risqués et ils ont souvent un tracking error moindre; par contre il faut faire attention car il peuvent passer de synthétiques à physiques (Amundi fait ça de plus en plus) de sorte qu’ils perdent l’éligibilité au PEA – et si on ne les revends pas en temps on est ensuite obligé de clôturer son PEA
Fantastique entretien ! Un grand bravo à Tanguy et à William Higgons bien sûr.
J’ai beau faire du « value » investing depuis 5 ans (avec des résultats pas trop mauvais) et à avoir déjà bcp lu sur I&E, j’ai énormément appris dans cet entretien.
Merci !!
Personnellement, je suis plutôt du genre à me dire « pas vendu, pas perdu ». William Higgons conseille lui de « vendre les titres sur lesquels on a perdu le plus ».
Même si c’est une très grosse position et si le cours reste très éloigné de la probable valeur intrinsèque et plus encore qu’au moment de l’achat?
Faut-il se débarrasser de ses actions sears par exemple? 🙂 🙁
Ce qui est sûr c’est que, comme beaucoup, j’aurais plus gagné à souscrire à indépendance et expansion qu’à investir directement.
Et qu’il faut éviter de renforcer encore et toujours à la baisse, et voir une position prendre des proportions déraisonnables, surtout si la boite n’est pas rentable.
Bref diversifier son portefeuille et ruminer ce genre de conseil, et surtout l’appliquer: « Il suffit donc d’acheter les titres qui ont une forte décote par rapport au prix sur cash-flow du marché, une bonne rentabilité des fonds propres, une marge d’exploitation supérieure à 5% et qui n’ont pas perdu 20% par rapport à l’indice depuis 12 mois. »
Merci à tous pour vos commenaires sur cette interview. J’ai pris beaucoup de plaisir à la faire même si cela a été un long travail de la retranscrire (heureusement j’avais des trajets en train à occuper). Le bonhomme est incroyable de simplicité et de modestie vu son track record. Un investisseur à suivre sans aucun doute !
Merci Tanguy pour cet entretien
Entretien très enrichissant. Merci 🙂